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Jun202013

Révolution, stabilité et développement en Egypte

Club de Monaco – Doha, Qatar
24 février 2012

 

La révolution

Comprendre les causes de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011 ne peut se faire sans évoquer des faits passés:

En 2005, la constitution a été modifiée stipulant qu’a l’avenir  le choix du président se ferait non plus par referendum mais sur base électorale tout en  imposant des conditions telles que toute autre candidature devenait quasi impossible. L’intelligentsia égyptienne a montré une grande déception et amertume de voir ainsi l’Egypte, un des premiers pays de la région à s’être dotée d’une constitution dans les années 20, passer à un régime autocrate et personnalisé.

De même, quelques années avant la révolution, le pays s’est rendu compte que l’on était en train de préparer le terrain pour la mise en place d’un système héréditaire du pouvoir afin  que  Gamal Moubarak succédât à son père, ce que l’ensemble de l’opinion publique rejetait et surtout l’armée.

Enfin, la classe politique a été très irritée de voir le  président Moubarak écarter  a maintes  reprises l’idée de nommer Omar Soliman Vice-président de la république, par crainte de bloquer l’accession de son fils au pouvoir.

Lorsque la révolution a éclaté le 25 janvier 2011, le pouvoir en place, n’ayant pas pris au sérieux les manifestations des jeunes place Tahrir, a perdu un temps précieux à trouver une réponse adéquate aux aspirations des manifestants,  comptant sur l’armée pour rétablir l’ordre public. Or l’armée, dès la première minute, s’est refusé fermement à tirer sur la foule.

Analyser la révolution égyptienne et les motivations justifiées et morales de la jeunesse nous amène à évoquer le rôle catastrophique joué par des casseurs et des hors-la-loi qui se sont mêlés à la foule pour troubler l’ordre public et la stabilité.

Le pays a pleinement conscience que tous ces hors-la-loi visent à déstabiliser l’Etat et à faire de l’armée qui a protégé la révolution, un adversaire.

Stabilité

En ce qui concerne la stabilité qui est directement liée au problème de la sécurité dans la rue, il est certain que beaucoup de forces dans le pays ont pris pour cible les policiers et les services de la sécurité nationale afin de les écarter de leur poste  de responsabilité s’appuyant sur un thème devenu à la mode « remodeler le système de la police ».

J’ai pris la responsabilité lors d’interventions télévisées et par écrit de souligner combien il est dangereux de révoquer des policiers sans enquête préliminaire sérieuse, juste et équilibrée afin d’éviter qu’ils ne prennent distance avec leur devoir, laissant le public sous la menace impitoyable des casseurs et hors-la-loi.

Un des signes positifs apparus en Egypte après la révolution a été le refus de l’opinion publique égyptienne le 11 février 2012 de soutenir l’appel à la désobéissance civile visant à paralyser la vie dans le pays.

Le peuple égyptien a ainsi montré un degré de maturité qui mérite le respect et l’armée a également rempli son rôle de protecteur de la vie publique, rôle qu’elle continuera à assumer jusqu’au 30 juin prochain, date des élections présidentielles et de la passation du pouvoir au nouveau président et au pouvoir civil.

Développement

Parlant de l’Egypte, il est certain qu’en matière de développement économique et social,  on ne  puisse plus séparer la sécurité des chances d’investissement et leurs effets.

Il est vrai que l’Egypte traverse actuellement une phase critique sur le plan de la situation économique :

  • les réserves de la banque centrale ont diminué de 8,5 milliards de dollars;
  • les revenus du tourisme plafonnent à 8,8 milliards de dollars alors qu’ils atteignaient 12 milliards de dollars en 2010
  • le  remboursement de la dette de l’Egypte envers le Club de Paris s’élève à un montant de 700 millions de dollars payables chaque 6 mois, le dernier paiement ayant été honoré le 7 février dernier. 
  • le chômage avec un nombre de chômeurs qui s’est accru dernièrement de 825.000 chômeurs.
  • l’aide promise par la Communauté Européenne et les pays du Golfe relève toujours du domaine des promesses non réalisées à ce jour.

Deux espoirs toutefois :

  1. la promesse du FMI d’octroyer un prêt a l’Egypte d’un montant de 3,2 milliards de dollars avec un taux d’intérêt de 1,2% afin de renforcer les revenus du budget 2012 - 2013  et compenser ainsi une partie de la baisse des réserves en devises de la Banque Centrale qui atteignent actuellement, en tout et pour tout,  le montant de 16 milliards de dollars.
  2. Les négociations menées actuellement  entre le gouvernement égyptien et la World Bank pour l’octroi de facilités de crédit à hauteur d’1 milliard de dollars.

Face à une  situation économique dégradée  et à une situation sécuritaire précaire, on est en droit de constater qu’économie et sécurité sont des jumeaux inséparables.

Les personnes imminentes présentes ici aujourd’hui sont certainement conscientes que l’Egypte est et restera une pièce maitresse de stabilité au Moyen-Orient et qu’un appel de votre part pour soutenir l’économie égyptienne ne peut que servir la cause de la paix dans cette région du monde.

Conclusion

Avant de terminer mon intervention, et parlant de la situation au Moyen-Orient, je puis vous rassurer sur le fait que, tant le Conseil Suprême des Forces Armées, que  le gouvernement et le Parlement, malgré une majorité de Frères musulmans en son sein, ont confirmé qu’il était hors de question de remettre en cause les accords de Camp David, fidèles en cela à la tradition égyptienne de respect des accords internationaux signés.

A cet égard, je rends hommage aux efforts soutenus et éclairés déployés par l’organe de sécurité extérieure, ce que l’on appelle aux Etats-Unis « national Security »,  présidé par le Général  Mourad Mowafi, pour concilier les nécessités de la sécurité extérieure et les objectifs de notre politique étrangère afin de maintenir une certaine stabilité dans les relations entre l’Egypte et Israël.

Rappelons aussi que cet organe à œuvrer pour le rapprochement entre les factions palestiniennes opposées sans oublier  le fait qu’il maintient de bonnes relations avec la plupart des dirigeants arabes, européens et américains. Parlant des relations avec les USA, malgré des heurts et oppositions de temps à autre, les USA sont et resteront un partenaire stratégique dans nos relations internationales comme l’a confirmé le Général Martin Dempsey, Chef d’état-major interarmées des Etats-Unis  lors de sa visite en Egypte il y a quelques jours.

La voix de la raison nous conduit tous à faire appel à toutes les forces de paix en Israël et dans le monde pour donner une chance à la paix avec les Palestiniens et  profiter du rapprochement entre l’autorité palestinienne dirigée par Abou Mazen (Mahmoud Abbas) et le Hamas de Gaza dirigé par Ismail Haniyeh pour assurer le succès des négociations israélo-palestiniennes.   

En effet, il ne faut pas oublier que depuis plus d’un demi-siècle, le conflit israélo-palestinien a été en arrière plan de toutes les guerres et hostilités et mieux que cela constitue un obstacle à la paix entre les peuples du Moyen-Orient.