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Sep242012

Après Al-Assad, qu’arrivera-t-il ?

8/9/2012

La révolution syrienne et la chute éventuelle d’Al-Assad font partie du même scenario qu’ont connu les pays arabes, et que l’Occident a romancé et idéalisé sous le nom de « Printemps arabe ». Des mois se sont écoulés et des régimes sont tombés, mais dans la plupart des pays arabes, en Libye en particulier, des divisions régionales et sectaires, des conflits et des crises économiques ont vu le jour.

Le «Printemps arabe » est né du fait que les présidents des pays arabes concernés, à savoir Kadhafi, Ben Ali, Saleh du Yémen, Moubarak, étaient tous des dictateurs ayant commis de graves erreurs qui ont entrainé leur chute. La corruption et les élections truquées ayant affaibli leur position. Puis sont apparus les USA, la France et le Qatar qui ont apporté aux révolutionnaires soutien moral et armes ainsi que l’accès aux medias pour promouvoir les révolutions à l’échelle mondiale.

Ce qui n’a pas été dit, c’est que les nouvelles forces révolutionnaires n’étaient ni intellectuellement préparées ni suffisamment organisées pour une prise de contrôle ordonnée. En conséquence, le « Printemps arabe a fait place à l’automne, automne qui est sur le point de faire place à l’hiver, ainsi que je l’ai dit l’année dernière lors d’une conférence a l’UNESCO.

L’Egypte a eu la chance d’être le seul pays à ne pas être menacé par des divisons régionales ou sectaires du fait de sa forte armée nationale indépendante du parti au pouvoir, de même que de la présence des Frères musulmans, organisation importante unifiée qui est arrivée au pouvoir et a pu engendrer une certaine stabilité.

Bien entendu, en Syrie, depuis le début, la situation était différente du fait de la présence du parti Baas qui contrôle le gouvernement et les militaires. Et les pressions internationales, à la fois politiques et médiatiques, ont réussi à créer des antagonismes au sein de l’état syrien de même qu’à accréditer l’idée de l’existence d’un conflit entre Sunnites et Alaouites.

Bien que l’interprétation des sources du conflit soit incorrecte cela a conduit l’Arabie Saoudite a adopté une forte position prorévolutionnaire.

La question que j’ai posée dans le titre de cet article, «Après Al-Assad, qu’arrivera-t-il?» peut déplaire à beaucoup. Je prédis que nous nous trouverons confrontés à une nation gravement divisée et à une force arabe très affaiblie.

Non seulement un bain de sang est possible entre les Sunnites et les Alaouites qui ont gouverné le pays d’une main de fer pendant presque un demi-siècle mais des bruits courent que la Turquie, la France et le Qatar aimeraient voir la région d’Alep devenir autonome. Et dans l’attente de prêts et aide qui pourraient être accordés trop tard, voire jamais, l’économie syrienne s’effondrera certainement.

La Syrie, tout comme les autres pays arabes, paiera le prix de l’isolement politique et du rejet ne serait-ce que d’un minimum d’unité arabe. Ces choix ont déjà abouti à briser la volonté arabe et ont conduit à l’éclatement de la position arabe sur la scène internationale. Du fait de cette absence d’unité, les pays arabes sont tombés dans les pièges et complots ourdis par l’étranger qui ne se préoccupe guère de leurs propres intérêts nationaux.

Malheureusement, les pays arabes n’ont pas fait montre de suffisamment d’intelligence pour comprendre le modèle européen et voir que les différences entre l’Allemagne, la France et l’Italie sur le plan linguistique, culturel ou politique sont beaucoup plus importantes que celles existant entre les pays arabes. Cependant, ces différences n’ont pas empêché les Européens de s’unir sur le plan économique avec l’euro ou bien d’avoir un minimum de coordination sur le plan politique.

Quant aux USA et à Israël, il semble que la ligne dure adoptée par les USA envers la Syrie soit due aux fortes relations existant entre la Syrie et l’Iran ainsi qu’à leur déception de ne pouvoir infléchir le veto que la Russie et la Chine ont opposé aux trois résolutions des Nations Unies visant à faire pression sur le régime syrien.

La récente prise de position d’Israël envers les révolutionnaires syriens vient probablement des liens existant entre la Syrie et l’Iran. Au début, Israël a hésité à soutenir les révolutionnaires par crainte de la venue au pouvoir d’un régime radical islamique qui réclamerait le retour du Plateau du Golan. Il y a tout lieu de penser que le destin de la Syrie pourrait être similaire à celui de l’Irak après l’invasion injustifiée décidée par le Président Bush, invasion qui a fait 100.000 victimes parmi les civils, a alimenté le conflit sans fin entre les Sunnites et les Alaouites et a abouti à l’autonomie de la partie kurde.

Si la Syrie risque de subir le même sort que l’Irak, cela signifie que presque la moitié du monde arabe deviendra un « grand malade » sans pouvoir.

Traduit de Le Monde diplomatique Editions Arabes