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Mar292012

Dr Zaki Badawi, figure honorable de l’Islam en Occident 

Al Ahram, 02/02/2006

Dr Zaki Badawi s'est installé en Angleterre depuis près de quarante ans. Ce savant azhariste, avec son esprit ouvert, sa liberté d'expression, fut capable d'envisager la confrontation intellectuelle et d'établir un dialogue avec l'Autre. En outre, il avait un esprit créatif pour trouver le mécanisme de l'action. Il fonda, alors, un Institut pour les Sciences Islamiques qui a ouvert ses portes depuis plus d'une quinzaine d'années. Cet Institut a gagné le respect des étudiants responsables en Angleterre, à tel point que le gouvernement britannique y inscrivait certains de ses fonctionnaires appelés à travailler dans des pays musulmans.

Dr Zaki Badawi a gagné l'appréciation et l'admiration de la famille royale, de la Reine Elizabeth, du Prince Philip et surtout du Prince Charles. Ce dernier le nomma Conseiller pour les Affaires Islamiques. Le gouvernement britannique l’a également honoré en lui octroyant le titre (Sir). A cette époque, le gouvernement avait souligné qu’il méritait le titre (Lord), mais Dr Zaki Badawi a tenu à garder sa nationalité égyptienne.

Il contribua alors à élaborer - pour le Prince Charles - des dossiers sur l’Islam. Ces dossiers ont été présentés aux Centres Islamiques dans les universités anglaises les plus réputées. Zaki Badawi joua un rôle considérable dans la préparation de la visite prévue pour le mois prochain du Prince Charles en Egypte et à Al-Azhar. Sans prétendre en connaître plus que les autres, je suis sûr et certain que le discours du Prince Charles, lors de son prochain voyage, portera les empreintes d’un conseiller loyal auprès d’un Prince ouvert d’esprit. 

Chrétiens et Juifs aimaient et respectaient Dr Zaki Badawi. Ce grand homme était apprécié par tout le monde et notamment par les Juifs connus pour leurs positions objectives et bien équilibrées à l'égard des causes de justice et de paix.

Un des compagnons de Dr Zaki Badawi, dans la voie du dialogue et avec qui il a fondé une Association du Dialogue Islamo-judéo-chrétien, Sir Sigmund Warburg, m'a invité à un colloque. J'ai senti que cette rencontre fut un des cercles intellectuels rares où se croisent quelques éléments qui croient réellement au respect de l'Autre et à l'importance de toute coopération mutuelle. J’ai aussi été témoin des rencontres de Dr Zaki Badawi avec le comité des « Cent » au congrès de Davos appelé « Forum Economique Mondial » où participèrent les représentants de toutes les institutions religieuses mondiales du Vatican, de l’Eglise d’Angleterre « l’Eglise de Canterbury », ainsi que les représentants de toutes les religions.

Nous avons participé à des échanges intellectuels pour souligner l’importance de ne pas séparer la paix de la justice et de mettre en relief le refus de la généralisation des jugements sur une communauté quelconque accusant ainsi, par erreur, certains de ses citoyens. En outre, Dr Zaki Badawi fut une figure honorable d'un savant azhariste maitrisant parfaitement l'anglais. En s'exprimant en anglais devant les Princes, les Présidents et les gens simples, il gagnait leur admiration grâce au génie du choix de ses expressions soutenues d'un haut niveau linguistique. Ce qui prouve aussi que Zaki Badawi ne prononçait que ce dont il croyait. Zaki Badawi se caractérise par son attachement total à sa patrie et sa disposition à servir ses causes. Nos ambassadeurs en ont été témoins. Cet homme a joué un rôle central dans l’organisation du rôle des communautés musulmanes en Europe.

Sans parler de l’Angleterre et de l’Allemagne, il jouissait aussi d’une estime et d’un respect considérable auprès de ces communautés en France. Il parlait avec les membres de ces communautés avec franchise et fermeté afin de neutraliser le rôle des extrémistes des deux côtés. Combien de fois a-t-il adopté des positions audacieuses et honorables face aux événements violents qui se sont déroulés à Londres. Dr Badawi était convaincu que toute violence imputée à l'Islam n'est qu'un élément nuisible à la religion et aux Musulmans eux-mêmes.

Sur le plan humain, il était père d’une famille heureuse, il respectait sa femme anglaise qui, à son tour, le respectait et vouait tout le respect aux principes de l’Islam et à ses fondements. Elle le soutenait, l’encourageait avec lucidité et modestie. Elle se trouvait à ses côtés dans tous les congrès internationaux. Pour cela, elle et ses fils méritent, aujourd’hui, nos salutations distinguées et nos sincères condoléances.

Je n’oublierai jamais également que Dr Zaki Badawi était auprès de moi dès les premiers jours de la création du Comité Permanent pour le Dialogue à Al Azhar. Il soutenait tous les accords que nous avons signés avec les institutions religieuses mondiales. L’éminent Imâm Cheikh Al-Azhar a aussi répondu favorablement au désir du Comité pour que Dr Zaki Badawi en devienne membre fondateur, ce qui fût un honneur pour ce comité.

C’est un honneur pour tout Egyptien que le Premier Ministre britannique annonce lui-même la nouvelle de son décès et prépare les funérailles, et que le Chef des Evêques de Canterbury, Rowan Williams, représentant de la Reine auprès de l’Eglise anglicane, diffuse un communiqué dans lequel il a exprimé son estime pour le rôle primordial joué par Dr Zaki Badawi dans le rapprochement entre les religions et l’établissement de la paix.

A l’occasion de la disparition de ce grand homme, je voudrais dire sincèrement à tous mes compatriotes : Si seulement notre pays honorait ses citoyens à l'étranger sans attendre qu'ils obtiennent le titre de "Sir" ou reçoivent le Prix Nobel! Sans aucun doute, Dr Zaki Badawi est aujourd’hui à la tête de la liste des noms qui font honneur à l’Egypte tels que Dr Zoweil aux Etats-Unis et Dr Baradei en Autriche. Et si jamais, un de ces jours, on pouvait lancer un défi au proverbe suivant : Nul n'est prophète en son pays.