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Mar292012

Que s’est-il passé à l’opéra jeudi soir ?

Al Masry Al Youm, 21/04/2009

Après avoir assisté mercredi soir au dîner donné par la vedette égyptienne de renommée internationale, Omar Sharif, en l’honneur du musicien Daniel Barenboim, après la tenue de la conférence de presse, et après avoir entendu des surenchères et un concert de critiques et avis de toutes sortes, avant la soirée à l’Opéra jeudi soir, j’ai alors éprouvé le désir de revenir à ma profession de journaliste pour présenter au lecteur égyptien les faits et informations, l’éclairer sur la situation, comme tout lecteur civilisé à la recherche de la vérité avant tout.

Premier point :

Revenons sur le passé, voyons qui est Daniel Barenboim et pourquoi le considère-t-on un musicien de génie ? Il est né en Argentine en 1942, sa mère lui a enseigné le piano alors qu’il avait 5 ans, puis il a continué à étudier avec son père comme unique professeur. A l’âge de 7 ans, il a appris à diriger un orchestre dans la capitale internationale de la musique, Salzbourg en Autriche. Un critique a alors écrit qu’un nouveau génie de la musique était né, tant par l’âge que par la prestation.

Il a exercé son talent dans le monde entier, de Paris à Londres, de Berlin à New York, avant d’être nommé à la tête de l’Orchestre symphonique de Chicago. Puis, point tournant dans sa vie, il a rencontré le grand écrivain et penseur palestinien, Edouard Saïd et a décidé de créer l’orchestre (Diwan Orient-Occident) en 1999, composé de musiciens israéliens et palestiniens. L’orchestre a donné un concert de portée historique en 2005 dans la ville de Ramallah, concert qui fut diffusé par les chaines de télévision internationales.

Deuxième point :

Que dire de Daniel Barenboim aujourd’hui? Avec son orchestre (Diwan Orient-Occident) il a utilisé la musique en tant que langage de paix et a donné des concerts dans le monde entier, de Londres à Paris, à Berlin, le plus important ayant eu lieu à Genève il y a quelques années, après une réunion historique entre mon ami Yossi Belin, fondateur du (Mouvement pour la Paix) maintenant, ancien ministre de la justice en Israël et Yasser Abdelrabo, un des chefs du Mouvement de Libération de la Palestine. La réunion avait pour but la création d’un projet pour la paix, basé sur le droit et la justice, pour la Palestine et Israël; projet de paix qui un jour pourrait devenir réalité après que les opposants, les assaillants, les extrémistes et porteurs de rumeurs aient renoncé à leurs surenchères.

La réunion prit fin avec un concert donné par Daniel Barenboim, exemple vivant du rôle joué par l’art et la musique pour rapprocher les peuples. Troisième point Qu’est-il arrivé lors du dîner donné par l’acteur international, Omar Sherif en l’honneur du musicien international, Daniel Barenboim ? Assis à coté d’Omar Sharif, face à Daniel Barenboim, j’ai réalisé que j’étais entre deux maîtres, symboles du cinéma et de la musique, et j’étais très fier de voir un enfant du pays, Omar Sharif, être à la hauteur de l’événement, engendrer respect et recevoir l’hommage de personnalités internationales, et j’ai vu l’Ambassadeur d’Autriche et l’Ambassadeur d’Espagne, grand ami de l’Egypte, qui ont joué un rôle majeur pour que cette soirée ait lieu et soit couronnée de succès.

J’ai vu le musicien Daniel Barenboim et j’ai découvert sa grande modestie et son amour pour autrui ; il a ri lorsque j’ai fait référence à sa nationalité, argentine ou autrichienne: « ce qui m’importe, c’est qu’en tant qu’Israélien vous comprenez et vous soutenez avec force le droit légitime du peuple palestinien ». Le grand écrivain Gamal Ghitany était parmi nous, faisant part de sa joie d’être à ce dîner. Il a offert à Daniel Barenboim un exemplaire de son livre. J’ai échangé avec la grande journaliste Magda El Guindy et la chanteuse d’opéra, Nevine Allouba - que nous entendrons chanter très prochainement à l’opéra dans (Le Mariage de Figaro)  - des propos et idées au sujet de cette affligeante approche consistant à mélanger art et politique, sans compter les surenchères, les coups bas et critiques partisanes à l’encontre du Ministre et artiste Farouk Hosni. J’ai découvert pendant le dîner que l’invité de l’Egypte – les critiques pretendant qu’il incarnait l’agression israélienne- avait un passeport palestinien qui lui avait été donné après qu’il ait attaqué, à la Knesset, la position du gouvernement de son pays d’envahir la terre de Palestine.

A cette occasion, je voudrais dire à mon ami Mahmoud Saad qui a mené la campagne contre Farouk Hosni: « Tu m’as déçu surtout que je te pensais plus intelligent». J’ai parlé avec l’épouse de Daniel Barenboim et se référant à celui qu’il considérait comme son frère jumeau, le grand penseur Edward Saïd, j’ai vu les larmes dans ses yeux : « j’aurais été très heureuse qu’il soit avec nous aujourd’hui ». Et elle m’a révélé que c’était elle qui avait demandé à notre ancien Ambassadeur à Londres, Mohamed Shaker, - compte tenu de ses contacts et amitiés internationales- d’inviter Daniel Barenboim à venir en Egypte. Mohamed Shaker s’est chargé de cette mission dont il m’a confirmé la véracité. Quatrième point Que s'est-il passé au sein de l’Opéra jeudi ? Dans ma vie, j’ai eu l’opportunité d’écouter des dizaines de fois la 5e Symphonie de Beethoven dans différents endroits de par le monde, mais je ne l’ai jamais autant apprécié que jeudi soir sous la baguette du maître Daniel Barenboim.

Il n’y avait pas un siège de vide à l’Opéra et je voyais Anis Mansour et mon amie Laila Takla, heureux d’être témoins d’une telle performance. J’ai continué à observer autour de moi, tel un journaliste à l’affût, et je n’ai pu découvrir une personne souffler mot, tout à l’écoute respectueuse de la magistrale prestation. Alors que Barenboim venait au terme de la symphonie de Beethoven, la salle de l’Opéra a croulé sous les applaudissements, comme je ne l’avais vu auparavant, et ce pendant au moins10 minutes, et j’ai ressenti que les gens du Caire voulaient adresser un message au monde: « la démagogie ne gagnera pas ».

Et vint la dernière surprise de la soirée lorsque ce maître de la musique et de la paix s’est exprimé, développant 3 points :

« Je suis contre la normalisation car je pense que la situation ne peut continuer dans l'état actuel ».

« Je comprends ceux qui désapprouvent ma visite en Egypte, pensant que je représente ce que je ne représente pas, à savoir l'Etat Israélien ».

« J'ai déclaré à la Knesset, combien j'avais le cœur gros, chaque matin, à mon réveil, de voir que la Palestine était toujours occupée ».

En conclusion de cet article, je voudrais m’adresser aux lecteurs du journal « Al Masry al Youm » et leur dire « La Civilisation l’a emporté en Terre d’Egypte ».